L'ère des Muses
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L'ère des Muses

Le roi Poète, créateur éternel, a été enfermé par les sept muses. Alors que les mondes tombent aux mains des cérébrophages, seule l'académie fait front.
 
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 Un parmi d'autres

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Petit Crayon

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MessageSujet: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptySam 29 Aoû - 22:45

Le son strident du cor résonnait depuis plusieurs minutes sur les murs d'enceinte du Bastion, que les fils de la terre en provenance du monde des éléments s'efforçaient de renforcer au plus vite. Panique, cris et autres mouvements de foules auxquels les rescapés des événements de l'Arène se seraient attendus un an et demi auparavant ne furent toutefois pas de la partie : les citoyens avançaient vers les abris avec un calme teinté de flegme, habitués à ce genre de manœuvres. Les premiers mois avaient été difficiles. Imposer l'autorité d'une troupe armée dont les dirigeants furent choisis arbitrairement aurait relevé du défi impossible si la situation ne l'imposait pas et que le charisme d'Edward de Reydoran n'était pas entré en jeu. Mais le jeune souverain naïlikan, bombardé à la tête de l'humanité, fut épaulé par des conseillers avisés et su se faire entendre. Ainsi, les contestations des premiers temps disparurent pour laisser place à une soumission éclairée à cette autorité que tous savaient bénéfique. Le roi sonnait la retraite, et la troupe entière exécutait son demi-tour sans défaire les rangs. C'était à en faire pâlir les plus éminents chefs militaires d'antan.

Calmes certes mais tout de même inquiets, les citoyens lambda s'engageaient dans les nombreux escaliers et couloirs de la place forte. Le Bastion était un ensemble de bâtiments reconstitués puis fortifiés à partir de ruines trouvées au cours des expéditions menées peu après le grand cataclysme. La place forte centrale s'élevait sur quelques étages puis s'enfonçait en spirale sur une trentaine de mètres. À même la roche, des salles avaient été creusées afin d'offrir à chaque famille un espace de vie personnel, certes peu confortable mais leur appartenant à eux seuls. Une zone en plein air se tenait autour du quartier des habitations, puis était encernée de hautes murailles ponctuées de tours robustes desquelles les gardes ne descendaient qu'au moment de la relève. De vastes champs étaient eux-même fortifiés pour résister aux attaques de moindre envergure. Enfin, à un demi-kilomètre de là se dressait le nid des formantes, alliés providentiels qui ne manquaient pas, aujourd'hui encore, de défendre leurs protégés. Les mandibules, serres et autres griffes se plantaient déjà dans la chair des assaillants, constitués de créatures diverses allant de l'ursidé haut de quatre mètres aux reptiles pryomanciens, en passant par les quelques sprinkhaans qui, pour des raisons inconnues, continuaient d'apparaître de temps à autres sur le nouveau monde. L'attaque n'était en somme pas d'énorme envergure, mais avait suffisamment inquiété le gouvernement pour qu'il laisse carte blanche à son plus jeune membre, Adel Lidar. Le peu d'anxiété régnant encore chez le tout-venant se dissipa lorsqu'une demi-dizaine d'individus faisant ici office de sommité se frayèrent un chemin vers les murs extérieurs, menés par une rouquine au pas assuré portant à la ceinture une lame oranienne ornée d'un majestueux griffon, symbole de la maison Pendragon. Cette héroïne de Valato grimpa d'un bond sur une large rocaille à l'extérieur de l'enceinte du Bastion, jaugea la situation, puis se retourna vers ses quatre subordonnées.

Elles étaient les braves valkyries constituant le Fer de Lance, la troupe d'élite mise sur pied par Adel, et en dépit de leur jeunesse, leur efficacité s'avérait indiscutable. Violine Lisana avait été la première sélectionnée, forte de son expérience auprès de Garion dans son monde d'origine, et jouissant de sa maîtrise de l'eau. Son amie Pandora Sozin, fille du feu indomptable mais indéniablement redoutable, fut ajoutée au lot peu après. Le cas de Nitilde Aënis fut plus compliqué, en cela que peu lui accordaient leur confiance, faute aux actes de son père adoptif, mais sa bonne volonté et sa magie se rapprochant de celle utilisée par Raphaël Monier lui avaient assuré sa place. Puis il y avait la dernière de ces jeunes mages, une mutante de Cardith qui observait les combats d'un œil distrait, les mains jointes dans le dos. Son attitude relâchée et son air distrait juraient considérablement avec les mines sérieuses affichées par ses camarades. Esmezia Fambriel, qui menait ce groupe, ne manqua pas de l'interpeller.

-Miranda ?

L'intéressée tourna avec nonchalance le regard vers sa supérieure, à laquelle elle signifia son attention d'un hochement de tête. Elle se retint difficilement de soupirer. Bien que son admiration envers Esmezia soit indiscutable, elle peinait à comprendre l'intérêt du discours qu'elle commençait à entonner. Galvaniser une armée pouvait servir, cependant elles n'étaient que cinq et agissaient ensemble depuis désormais presque un an. Elles savaient toutes quoi faire. Peut-être s'agissait-il en réalité d'un moyen de se donner du courage, de dissiper ce stress typique des escarmouches. Esmezia fit court comme d'accoutumée, consciente que des vies étaient en jeu, puis elle donna le signal de départ. Miranda expira longuement. À elle de jouer. Ses équipières se regroupèrent, puis elle tendit les mains en leur direction, usant de son pouvoir télékinétique pour les faire léviter. Après s'être assurée que l'équilibre était parfait et qu'elle ne risquait pas de les écraser par mégarde, elle dirigea ses bras vers le champ de bataille où les fermantes peinaient. Propulsés par la magie de la plus puissante d'entre elles, les valkyries du Fer de Lance atterrirent en douceur et passèrent à l'action. Miranda prit le temps d'étirer ses bras et ses jambes, tâta la poignée de son arme, puis prit ses appuis avant de se projeter à son tour, avec une force supérieure à celle insufflée dans la manœuvre précédente. L'adolescente décolla rapidement et se mit à sourire en sentant l'air fouetter son visage. À Cardith, elle ne jouissait qu'à de rarissimes occasions de l'usage complet de ses capacités, et la donne avait changée depuis l'émergence du nouveau monde. Ici, elle avait besoin de ses pouvoirs, elle ne pouvait pas se permettre de se retenir. Et rien au monde n'était plus grisant à ses yeux que de ressentir ces fabuleux flots d'énergie parcourir ses veines en prenant de grandes élancées. Des dizaines de mètres la séparaient du sol, pourtant elle se savait en parfaite sécurité. Au sommet de son bond fantastique, elle jaugea une nouvelle fois la situation. Sous ses pieds se tenaient les quelque quarante sprinkhaans s'étant joint aux autres monstres pour cette futile tentative de déloger le genre humain de son quartier général. Fermantes et valkyries étaient encore loin, aussi n'hésita-t-elle pas. L'adolescente plia les coudes. L'air sembla se troubler autour des doigts de la mutante désormais parfaitement immobilisée, puis un bruit sourd retentit alors qu'elle tendit brutalement ses paumes vers la troupe ennemie. Il n'y eut guère de coup de semence : le sol se distordit sur une ère massive à l'impact, si bien qu'une partie de la plaine s'était enfoncée d'un demi-mètre et présentait d'inquiétantes fissures. L'onde de choc, dévastatrice, déstabilisa les combattants alentours et manqua de déraciner les arbres les plus proches, alors que les sprinkhaans l'ayant subie de plein fouet furent tout bonnement anéantis.

Miranda se posa lentement au sol, essoufflée. Comme d'accoutumée, elle avait voulu trop en faire d'entrée de jeu et avait au moins puisé dans une bonne moitié de ses réserves, mais elle ne regrettait pas cette introduction fracassante. L'adolescente tira sa lame et courut rejoindre Esmezia, qui faisait jouer l'acier contre des bêtes sauvages lui rendant aisément cent fois son poids. Lentes, elles ne parvenaient pas à effleurer l'épéiste hovoïte, qui virevoltait entre les pattes pataudes et faisait gicler le sang avec grâce. Miranda ne perdit que quelques secondes à admirer la beauté hypnotique de l'éclat brillant de l'acier qui chuintait et frappa à son tour. Sa lame, conçue par les poroliens avant qu'ils ne trahissent Edward, était un catalyseur destiné exclusivement aux mutants de sa catégorie. Lorsque l'arme fendit l'air, un arc de cercle presque invisible jaillit, fusant vers un ursidé inconscient du danger. Les deux ondes télékinétiques jumelles créées par ce procédé s'engouffrèrent dans la chair de l'animal, la déchirant en se repoussant mutuellement, si bien que la cible de Miranda fut brutalement séparée en deux parties distinctes dans un flot de sang et d'organes duquel l'adolescente ne pensa pas à détourner les yeux. Après ces nombreux combats menés bon gré mal gré, elle avait outrepassé le stade de la répugnance à la vue de l'hémoglobine.

La bataille ne dura que quelques minutes. Miranda avançait imprudemment à travers les lignes ennemies, tranchant à la moindre opportunité, repoussant d'un geste ceux qui s'approchaient trop. De temps à autres, elle privait plusieurs adversaires de leur mobilité en les faisant léviter, de sorte à que Pandora les achève en usant d'un de ses fameux éclairs. Esmezia frappait puis se repliait, donnait quelques directives à ses subalternes avant de repartir en première ligne, tandis que Violine et Nitilde ralentissaient le plus gros des troupes, permettant aux trois autres valkyries et aux fermantes de ne pas avoir à souffrir d'un désavantage numérique trop flagrant. Les mécaniques étaient huilées, si bien que la victoire ne fut qu'une formalité. Assise à l'écart pendant qu'Esmezia s'assurait de l'état de ses guerrières, Miranda réajusta sa queue de cheval avant de serrer sur son crâne le bandana qu'elle avait momentanément ôté pour l'affrontement. Une fois encore, elle avait été la clé du Fer de Lance. Oh, sans doute s'en seraient-elles sorties sans elle, en demandant l'appui des forces de défense ou de l'une des archanges, mais cela ne l’empêcherait guère de se vanter de ses résultats si la situation s'avérait propice à la flatterie. Comme d'accoutumée, les fermantes surveillèrent les activités des humains quelques instants puis, visiblement rassurés, repartirent vers leur nid grouillant. Miranda s'était habituée à la présence de ces imposantes bestioles, pourtant peu rassurantes d'apparence. Elles étaient à bien des égards les gardiennes de l'humanité en ce monde, et comprendre leur fonctionnement ainsi que leurs moyens de communication tenait à cœur à certains des dirigeants du Bastion. Mais l'adolescente se fichait bien de connaître le pourquoi du comment tant qu'elle pouvait faire son petit bonhomme de chemin. Placide, elle se contenta d'un signe à l'adresse d'Esmezia lorsque leurs regards se croisèrent, puis elle repartit seule vers le quartier des habitations, où le cor ne résonnait plus. La nuit n'allait pas tarder à tomber, tardivement en cette saison, et déjà elle se sentait épuisée. Elle ne répondit pas aux quelques acclamations sur son passage, préférant filer droit vers le premier étage de la principale structure du Bastion, où se trouvaient les appartements des individus privilégiés dont elle faisait partie. À dire vrai, son efficacité lui aurait permis d'obtenir, pour peu d'insister un tant soit peu auprès d'Edward, un lieu de vie plus confortable encore ; ceci étant elle n'en aurait changé pour rien au monde. C'était ici sa demeure. Il lui avait fallu du temps pour s'y habituer, et elle ne souhaitait désormais plus la quitter.

Ces trois pièces taillées dans la roche avaient des faux airs d'appartement vétuste, faute à la poussière s'y accumulant, aux fissures jonchant plafond et parquet, à l’humidité ambiante et à l'absence quasi-totale de lumière naturelle, pourtant l'endroit dégageait quelque chose de chaleureux. Miranda referma la porte sans la verrouiller – qu'avaient-ils à se faire dérober ? - avant d'ôter ses bottes, qu'elle laissa négligemment traîner dans le hall. Elle empoigna une galette de céréales reposant sur la petite table du garde-manger et l'avala lentement, peu soucieuse de l'absence quasi-totale de saveur de ce maigre dîner, avant d'aller passer un coup d'œil machinale dans la salle à sa gauche. À première vue, aucun nouvel élément ne venait décorer les étagères de cette ancienne chambre réaménagée en salon dans lequel les occupantes des lieux entreposaient trophées ou autres bibelots quelconques trouvés au cours des expéditions. La jeune mutante se détourna pour avancer vers la dernière pièce, la seule munie d'une porte qu'elle s'empressa d'ouvrir. Comme elle s'y attendait compte tenu de l'absence totale de bruit, Lilia n'était pas encore rentrée. Miranda alla s'affaler sur le grand matelas de fortune posé à même le sol qu'elles partageait. Elles s'y étaient tué le dos les premières semaines, mais avaient fini par s'habituer à la rigidité de la couche, qui bénéficiait en revanche d'oreillers massifs et de couvertures chaudes, plus que nécessaires durant les nuits souvent très froides. L'adolescente s'y glissa et s'allongea, profitant de cet instant de solitude relativement rare pour faire le point.

Il y avait un peu plus d'un an de cela, elle vivait à l'Institut Hubs, entourée de ses proches, insouciante, arrogante, certaine de sa toute-puissance. Elle avait perdu Lilia par la faute d'Éline Monier, mais avait fini par la retrouver, elle et tous les autres, à l'Arène. Ç'avait été une fantastique compétition. Pas à pas, elle s'était hissée jusqu'à cette grande finale, avait vaincu Edwig Luthness, s'apprêtait à être sacrée ! Et tout avait dérapé. Un nouveau combat, de nouveaux morts, et le grand cataclysme. Miranda chassa de son esprit les visages des trois membres de la famille Klanck, morts les uns après les autres. Elle tenta d'oublier Barry, se maudissant de repenser à lui en cet instant. Au moins, certains d'entre eux avaient tenu. La trahison de Raphaël avait été très difficile à encaisser, et en dépit de ce dernier coup de poignard, Miranda n'était pas malheureuse. Lasse, parfois nonchalante, mais à sa place. Son utilité n'était plus à prouver ici, et bien qu'elle ait appris à les garder pour elle, ses sentiments étaient plus exacerbés que jamais. Il y avait Lilia, cet archange si fragile, le reste importait finalement peu. Car telle était la vérité dont Miranda Hubs s'était rendu compte au fil des mois passés : pour peu qu'elle soit à ses côtés, elle pouvait faire face à n'importe quel ennemi, n'importe quelle créature délétère, n'importe quel nouveau monde.

L'adolescente sursauta lorsque la porte de la chambre s'ouvrit. Perdue dans ses pensées, elle n'avait plus porté d'attention à son environnement. Miranda se redressa vivement et tourna les yeux vers cette jeune femme à la présence si rassurante. Elle la dévisagea un instant alors qu'elle prenait ses aises, et l'interpella au moment où elle venait s'affaler à son tour sur la couche.

-Tu sais que tu ressembles vraiment à Angie quand tu portes les cheveux longs ?

Lilia, le regard perdu dans le vide, eut une moue. Si le sujet n'avait jamais rien eu de tabou, il demeurait délicat. De leur rencontre à sa mort, Angélyna Moscovitch avait été pour elle un modèle, une allégorie de toutes les qualités humaines, un être à qui elle dédiait l'intégralité de son affection. Sa mort des mains de l'Omnikhaan l'avait dévastée, mais Lilia avait gardé la tête haute pour cette fille à ses côtés, dont elle avait conscience que les sentiments à son égard équivalaient ceux qu'elle avait autrefois pour Angélyna. Le pacte entre les deux mutantes avait été passé peu avant la première expédition dans le nouveau monde : quels que soient les aléas, rien ne pourrait les séparer. Elles avaient rencontré l'équivalent des dieux des anciens mondes, avaient assistés à l’apocalypse et résidaient à présent en enfer. Là où le chaos régnait, elles ne pouvaient plus se permettre de se désunir et n'en avaient de toute manière pas l'envie. Lilia ne répondit pas à la question. Angélyna resplendissait d'une beauté superbe et la comparaison s'avérait nécessairement flatteuse, mais le sujet ne l'intéressait pas. Les imposantes cernes sous les yeux de l'archange témoignaient de son état de fatigue, résultant d'une journée de dur labeur dans les champs. Le choix des possibles quant aux activités quotidiennes était vaste dans le cas de Lilia, mais elle avait préféré opter pour une certaine simplicité. Le travail manuel lui occupait l'esprit.

-Adel m'a parlé de l'attaque, finit-elle par dire après un long bâillement. Tu es rentrée avant d'aller la voir, il paraît.

Le ton avait ce petit quelque chose s'approximant au reproche qui fit que Miranda leva les yeux au ciel.

-Zia peut le faire toute seule, le rapport. Franchement.

-Toi et l'autorité...

-Pas pour rien que j'étais en «échec scolaire ».

Lilia acquiesça avec un sourire. Il était toujours ravissant de voir quelle hargne Miranda parvenait à insuffler dans chaque conversation anodine. Beaucoup se seraient agacés de cette façade cynique, mais l'archange avait appris au fil du temps à voir outre. Toutes deux conversèrent une demi-heure avant de s'effondrer, aussi épuisées l'une que l'autre. Le sommeil de la cadette fut des plus reposants, tandis que l'aînée s'éveilla en nage au beau milieu de la nuit. Haletante, elle eut pour réflexe premier de sortir du lit mais fut rapidement mordue par le froid environnant, que la masse rocheuse peinait à atténuer. La jeune femme avança pieds nus jusqu'au salon, et en ouvrit grand la fenêtre, à laquelle elle s'accouda. Elle tendit l'oreille pour écouter avec attention les sons produits par la faune nocturne pour le moins fournie ; ce silence continuellement rompu au loin l'aida à s’apaiser. La sensation qu'elle avait eu la minute précédente ne laissait pas de place au doute : une nouvelle entité venait d'apparaître dans le nouveau monde. Layla, dont les pouvoirs étaient liés à l'énergie des êtres et des lieux, aurait pu lui en dire plus. Seulement l'idée d'aller réveiller la jeune fille à une heure si tardive la dérangeait. Miranda ne tarda pas à apparaître dans le dos de sa sœur, la bouche pâteuse, les yeux plissés, enroulée dans les couvertures qu'elle avait emporté avec elle. Lilia lui adressa une moue désolée. Elle savait que sa camarade souffrait d'un sommeil léger et avait pourtant tenté d'être discrète en quittant la couche, mais rien n'y faisait.

-Qu'est-ce qui se passe ? l'interrogea Miranda, encore à moitié endormie.

Lilia referma le fenêtre en constatant la frilosité de la mutante et caressa affectueusement la mèche sombre qui tombait sur le côté de son crâne, touchée qu'elle se soit inquiétée plutôt que de se rendormir.

-Rien, la rassura-t-elle. Viens, on...

Miranda poussa un soupir d'agacement.

-Lili, sérieusement, faut que t’arrive à piger que...

-Je ne sais pas mentir. Oui, d'accord. Mais tu veux pas qu'on aille quand même au lit et qu'on en parle après ?

La proposition fut accueillie par une approbation instantanée, et l'archange reprit la parole quelques dizaines de secondes plus tard, à nouveau blottie dans des draps dont la chaleur fut agréable suite au bain de fraîcheur qu'elle s'était précédemment infligée. Miranda, qui l'interrogeait du regard, n'eut besoin de prononcer aucun mot pour qu'elle s'explique.

-J'ai senti une énergie d'un autre monde, décrivit-elle.

-Depuis quand tu peux faire ça, toi ?

-Depuis toujours je crois, mais comme y'avait jamais rien eu d'une autre monde...

-Ouais, ça se tient. Et donc ?

-Et donc... ?

-Bah, concrètement ? Ça craint ?

La question devait inévitablement se poser, mais Lilia n'avait pas de réponse pour l'heure. Elle-même était loin de comprendre l'ampleur de ses pouvoirs, toutefois la situation faisait resurgir dans sa mémoire les derniers mots prononcés, à elle et à elle seule, par Kayoshin Mangreefer avant que celui-ci ne quitte l'Arène : « Le très-haut ; le Pot, comme vous l'appelez, n'était qu'un parmi d'autres. Une infinité s'offre à toi. D'autres passeront à côté, mais tu n'es pas comme eux. Pas seulement parce que que tu es, si tu tiens à te considérer comme telle, la fille de Dana. Le très-haut t'a choisi également. Ta présence est essentielle pour beaucoup. Le nombre de cœurs liés au tien est exorbitant. Tu verras cet infini. Et tu es telle que tu ne pourras faire autrement que d'aller vers lui. J'espère que sa contemplation te permettra de voir ce qui est réellement essentiel ». Pour l'heure, Lilia ne comprenait pas. Kayoshin lui-même avait confié ne pas comprendre. Mais peut-être que la clé de cette énigme était à portée. Lilia quitta finalement le lit de nouveau, au moment où Miranda était en phase de s'assoupir.

-Quoi ? fit-elle d'une voix étouffée. Encore une énergie cosmique qui vient priver l'humanité du droit de pageot ?

-Dors, répondit simplement Lilia.

Tant pis pour sa récupération, elle devait consulter Layla. Vêtue du débardeur qu'elle ne quittait presque jamais et d'un pantalon large, les pieds nus en contact avec la pierre glacée, Lilia avança jusqu'à la demeure de son amie sans ressentir le froid. La lueur blanche qui l'entourait, manifestation consciente de son statut d'Archange, la protégeait de ce genre d'aléas. Elle frappa à la porte de son homologue.


Dernière édition par Petit Crayon le Dim 30 Aoû - 21:00, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyDim 30 Aoû - 20:15

Bien que l'agitation règne au Bastion, il existait dans ce monde quelques endroits où l'on pouvait réellement se reposer en toute quiété sans être harcelé par qui que ce soit, monstre ou humain. Une plaine herbeuse assez éloignée de la dernière citadelle de l'humanité, uniquement fréquentée par de paisibles herbivores ou encore au sommet d'un chêne centenaire, à l'est de la ville. Ce dernier était d'ailleurs un véritable paradoxe. Si le monde dans lequel ils vivaient avait été conçu il y a à peine plus d'un an, comment cet arbre pouvait-il être aussi vieux ? Etait-il né à l'âge adulte, apparaissant comme par magie ici, ou avait-il été importé de l'un de leurs mondes détruits lors de l'attaque de l'Omnikhaan ? Cette question, à vrai dire, pouvait se poser pour pratiquement tout ce qui existait ici. A l'exception sans doute de ceux que Layla se plaisait à appeler les « étrangers ». L'humanité avait été annihilée, et les derniers rescapés des cinq mondes luttaient pour leur survie jour après jour, sans la moindre assurance d'y parvenir tant les risques étaient grands dans cette Terre visiblement hostile.

Comme pour appuyer ses pensées, l'adolescente entendit résonner les cors du Bastion, indiquant que celui-ci était attaqué. Du haut de son arbre, elle ne craignait strictement rien, et ne doutait pas que les valeureux défenseurs parviendraient à repousser l'assaut sans son aide, mais la fille de Gareth Soubresault tourna tout de même le regard en direction de sa maison. La vue de la citadelle, renforcée à de multiples reprises par son ami Darius, lui rappela toutes les responsabilités qu'elle fuyait en se réfugiant ici. Ce matin, elle aurait du s'entretenir avec Edward de Reydoran, gouverneur de l'humanité, qui avait sans doute une tâche quelconque à lui confier. Tout ses amis ne cessaient de répéter que leur survie reposait en grande partie sur lui en ce moment de crise, mais Layla ne pouvait s'empêcher de le trouver ennuyeux au possible. De plus, le jeune adulte n'avait aucun pouvoir, alors ce n'était certainement pas lui qui les avaient défendus lors des attaques incessantes de monstres.

Une énorme détonation retentit alors, laissant deviner que Miranda était entrée en action. Pour le simple plaisir de rivaliser en démonstration de force avec sa « soeur », l'adolescente regretta de ne pas être restée au Bastion. Mais si tel avait été le cas, on l'aurait sans doute forcée à rester en classe avec les autres. L'irresponsable adolescente qui répondait au titre pompeux d'Archange préférait de loin profiter du calme, à l'abri au sommet de son chêne. Avec un soupçon de remords, il lui vint à l'esprit que certains s'inquiétaient peut être de son absence, mais elle chassa bien vite cette pensée de sa tête. La bataille semblait être terminée, au vu du silence qui était revenu dans sa cachette. Elle décida donc de débuter une sieste Avec un peu de chance, Layla parviendrait à récupérer les heures de sommeil manquantes de la nuit dernière.

Lorsqu'elle se réveilla enfin, la nuit semblait être tombée depuis longtemps. Tant mieux, pensa t-elle. Au moins, elle ne croiserait personne pour la sermonner. Il lui fallait désormais descendre de sa cachette. Ce matin, elle avait escaladé l'arbre en un peu moins de vingt minutes, et sans user de ses pouvoirs, ce dont elle tirait une grande fierté. Le chemin inverse, néanmoins, serait bien moins aisée. Elle userait donc d'une autre méthode. Se concentrant sur l'image qu'elle avait de son ami Raphaël, Layla parvint à faire pousser de son dos deux longues ailes grises et mal entretenues. Sautant d'un bond du chêne, elle se laissa planer sur une centaine de mètres, avant de battre des ailes laborieusement en direction du Bastion. Vu de haut et à cette heure tardive, la ville semblait si calme... Presque arrivée à destination, elle ressentit soudain une étrange vibration tout autour d'elle, comme si la porte d'un monde parallèle venait de s'ouvrir non loin. Perdant subitement tous ses moyens, elle s'écrasa lourdement au sol, la tête la première dans une mare de boue.

- Le karma a gagné marmonna t-elle dans sa barbe, songeant que rien de tout cela n'était arrivé si elle n'avait pas fugué.

Elle se releva, constatant avec dépit l'état de ses vêtements. L'adolescente nettoya son visage d'un geste de la main. Pour le reste, elle ne pourrait pas faire grand chose de plus... Se désintéressant de sa propre condition, Layla contempla la plaine obscure qui s'étendait tout autour d'elle. La vibration qu'elle avait ressentie tout à l'heure était toujours aussi forte, et à part l'arrivée de nouveaux « étrangers », l'adolescente ne voyait pas d'explication possible. Tout cela n'était pas très rassurant... Elle devrait en parler à Lilia au plus vite. Mais avant, elle avait besoin d'une douche... Entrant discrètement par la grande porte, elle eut le droit à un sourire ironique de la part du garde qui tenait l'entrée. Les logements n'étaient heureusement pas loin. Layla entra dans le grand bâtiment en katimini, désireuse de ne pas attirer l'attention sur elle, et tomba nez à nez avec la personne qu'elle cherchait. Ne donnant pas la moindre justification sur son état, ou l'heure tardive à laquelle elle rentrait, elle déclara d'un ton qu'elle espérait serein :

- Tu l'as senti, toi aussi ?
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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyLun 31 Aoû - 18:05

Les parties présentées avec cette couleur ont été rédigées par Gros Crayon.


Lilia, qui s'attendait à présenter milles excuses à son amie pour son intrusion nocturne, fut pour le moins surprise de la voir arriver dans son dos. Voilà qu'elle avait l'air sotte, à frapper à la porte d'une habitation vide avec cette lueur blanche émanant de son épiderme et la faisant luire tel une luciole en pleine nuit. L'éclairage eut toutefois le mérite de permettre à l'Archange de distinguer l'état de sa semblable, recouverte de boue de la tête aux pieds. Lilia ne chercha pour autant pas à comprendre le pourquoi du comment, peu encline à empiéter sur la vie privée de l'adolescente. Layla aborda tout de suite le sujet qu'elle avait en tête, ce qui épargna à la mutante de longues et fastidieuses explications, faute d'épithètes précis à mettre sur cette perturbation précédemment ressentie. Elle se contenta donc d'acquiescer, s'assura que personne n'irait surprendre leur conversation en scrutant les ruelles alentours du coin de l'œil, puis s'approcha de sa cadette et répondit dans un murmure, soucieuse de ne pas tirer quelque autre bougre de son sommeil :

-J'ai senti quelque chose, oui. Je pensais que tu pourrais m'en dire plus.

Bien que sa nature anxieuse l'incite à s'inquiéter d'un rien, Lilia nourrissait une aversion particulière envers cette énergie inconnue. Elle avait passé un temps fou à tenter d'appréhender le champ d'action de ses nouveaux pouvoirs, partageant régulièrement ses théories et observations avec son homologue dans l'espoir de dresser une liste concrète pouvant les aider toutes deux à rationaliser ces sensations exclusives. Très vite, il était apparu que leurs capacités différaient grandement, et que Layla était dotée d'une sorte de sixième sens, dont les descriptions avaient permis à Lilia d'apprendre à ressentir à son tour les forces vitales des êtres et des choses. Il y avait une signature typique des créatures du nouveau monde, qui présentait des similitudes avec celle des humains. Mais cet intrus était tout autre. La mutante avait vécu suffisamment de situations dramatiques pour savoir que cette perturbation n'augurait rien de bon, aussi attendait-elle d'avoir l'avis de son interlocutrice pour aviser et avertir ou non Edward.

Layla haussa les épaules en signe de dénégation. Avec l'expérience, elle était désormais capable de reconnaître l'énergie de pratiquement toutes les créatures sur ce monde -du moins toutes celles à proximité- et pourtant cette impulsion ne ressemblait à aucune autre. Elle hésita avant de déclarer :

-C'est... Quelque chose de nouveau. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Ça ressemble un peu au monde que j'avais crée quand...

L'adolescente s'interrompit, la gorge sèche. Évoquer sa fuite dans le monde imaginaire qu'elle avait conçu lors de la mort de son père était encore au dessus de ses forces. Elle se pinça les lèvres avant d'ajouter :

-Mais cette fois, c'est réel, je crois...

Ce qui était sur, c'est qu'il ne s'agissait pas d'un Aori. Layla ne le précisa pas, bien consciente que son homologue le savait, elle aussi. La seule chose à peu près rassurante était que la puissance des  « nouveaux arrivants » ne semblait pas équivaloir celle de leurs anciennes divinités. Du moins, elle l'espérait.
Lilia préféra enchaîner pour ne pas laisser le temps à son interlocutrice de se plonger dans des sombres souvenirs dont l'évocation était encore douloureuse. Elle était bien placée pour comprendre cet état d'esprit succédant au deuil et ne pouvait qu'accéder à la requête implicite qu'elle pensait déceler dans l'attitude de Layla, à savoir un évitement pur et dur du sujet.

-Donc on est d'accord ? C'est pas du Pot. Un peu comme les sprinkhaans ?

Layla hésita quelques instants... Il est vrai que cette étrange invasion ressemblait en de nombreux points à l'arrivée des Sprinkhaans. Pourtant, il y avait dans l'intrusion que leur monde subissait à présent une aura bien différente de celle des sbires de Valentin Aënis.

-Un peu comme les spinkhaans... répéta t-elle sans grande conviction. Mais l'origine des intrus est encore plus éloignée, je crois... On devrait en parler à Edward ? Tu penses que c'est une urgence ? Rajouta t-elle, cédant légèrement à la panique.


-Des intrus ? releva Lilia. Tu sens des gens ?

-Des créatures intelligentes, en tout cas... Je sais pas si elles arrivent, ou elles vont arriver, mais ça se rapproche de plus en plus.

Ça se précisait. Lilia avait eu bon compte d'aller partager son sentiment avec Layla, et se demandait finalement si elle n'allait pas réveiller Edward sans attendre. Elle s'accorda quelques secondes de réflexion, au terme desquelles elle en vint à la conclusion que s'affoler ne rimerait à rien. Puisque la menace semblait s'approcher, elle resterait éveillée et aviserait selon la tournure des événements. Son corps n'avait effectivement, sous l'effet de son aura blanche, nullement besoin de repos et disposait de ressources physiques illimitées. Elle préférait s'assoupir en règle générale, à la fois pour se soustraire à la solitude nocturne et pour profiter d'une proximité précieuse avec Miranda, toutefois l'heure n'était pas aux caprices égoïstes. Elle posa une main qu'elle voulut rassurante sur l'épaule de Layla, qu'elle regarda droit dans les yeux. Sa voix fut moins sereine qu'elle ne l'avait anticipé.

-Bon, essaie de dormir. Je te réveille si il se passe quelque chose.

Dubitative, la plus jeune des deux archange observa son ainée pendant quelques instants, sembla hésiter, puis déclara d'une voix ferme :

-Je viens de faire une sieste, et vu la puissance du signal, j'arriverais sans doute pas à me rendormir... Tu vas voir Edward ? Je peux t'accompagner ?

Il était plus que probable que Lilia accepte sa proposition, mais Layla fit tout de même un regard implorant pour la convaincre. Elle n'avait certes aucune responsabilité dans le Bastion, mais avec son homologue, elle étais sure de pouvoir se rendre utile, pour une fois.
L'aînée considéra la proposition. L'on devait s'approcher des deux heures du matin, et réveiller Edward sur la simple supposition que leurs pouvoirs auxquelles elle ne comprenaient strictement rien leur indiquait l'éventuelle présence d'envahisseur aurait pu être de mauvais goût. Pourtant les circonstances étaient exceptionnelles. Lilia n'aurait su l'expliquer mais en restait convaincue. La jeune femme poussa un faible soupir tandis que son aura blanche se dissipait, les plongeant toute deux dans l'obscurité rompue par la piètre lueur des torches lointaines.

-D'accord. Mais si ça te dérange pas, je pense que tu devrais te changer d'abord, fit-elle avec un semblant de sourire.

Layla acquiesça et disparu aussitôt avec une expression d'infime reconnaissance. Traversant précautionneusement le hall d'entrée pour ne pas réveiller Ethan et éviter un sermon, elle se passa rapidement de l'eau sur le visage, se changea en vitesse, et reparu quelques instants plus tard, habillée d'une robe en dentelle bleue.

-Merci Lilia chuchota t-elle en refermant la porte. Bon, on y va ?

Les deux mutantes originaires de Cardith grimpèrent vivement les marches de pierre menant aux étages supérieurs du Bastion. Elles saluèrent à leur passage une patrouille qui ne posèrent pas la moindre question, le statut de ces filles leur accordant carte blanche en toute circonstance. Lilia n'avait que rarement visité les bâtiments dédiés aux institutions. Il lui était arrivé de grimper jusqu'à la grande bibliothèque emplie d'ouvrages qu'Adel Lidar, la jeune stratège et archiviste, avait insisté pour emmener depuis l'Arène. Elle y piquait de temps à autres un roman, un recueil, voire un essai scientifique si le sujet l'intéressait. Du fait de sa dépression prolongée, l'Archange n'avait toutefois guère eu l'occasion de visiter plus en détail les autres structures. Par deux reprises, on avait quémandé son aide pour des cas d'une extrême gravité, mais il était bien vite apparu que ses pouvoirs, s'ils la rendaient intouchable et lui permettaient d'affronter n'importe quel ennemi les mains dans les poches, n'étaient en revanche pas plus utiles que d'autres lors de batailles à plus grande échelle. Puisque ses compétentes sociales ou juridique laissaient à désirer, Lilia n'avait de fait rien à voir avec les affaires d'Edward et ses ministres, faisant simplement office d'arme secrète. Après une demi-dizaine de minutes, les filles arrivèrent devant un tunnel dont les ramifications formaient des corridors jonchés de portes. Les hautes sphères résidaient ici. Perdue et bien trop réservée pour se permettre d'aller frapper à l'un des appartements au hasard, Lilia se tourna vers sa camarade.

-Tu sais où c'est ?

Une pointe de gène était audible dans ces quelques mots. En vérité, et ce en dépit de sa bonté d'âme visible dès le premier regard, Edward de Reydoran intimidait Lilia. Son intellect égalait celui de son ancien mentor, Yohan Ackermann, tandis que son charisme en faisait une figure populaire et un interlocuteur charmant. Ce jeune homme était trop parfait pour que quiconque reste indifférent à sa personne.

-Tu plaisantes ? Rétorqua Layla, un sourire aux lèvres.

Puis, voyant le sérieux de sa comparse, l'adolescente se contenta de hocher la tête, et s'engouffra dans un long couloir aux allures solennelles. Comment se faisait-il que l’aînée des deux Archanges ne sache où trouver le bureau d'Edward ? Elle même y était convoquée tous les quatre matins. Elle songea avec raison que Lilia causait bien moins d'ennuis au Bastion qu'elle...

Arrivées à une grande porte à battants, Layla lança un regard interrogateur aux deux gardes placés à l'entrée, qui se mirent au garde à vous.

-Wow... Ils ne font jamais ça quand j'y vais... fit l'adolescente d'un ton un peu jaloux.

Franchissant ensemble la porte, elles débouchèrent sur une pièce spacieuse, ornée de plusieurs bibliothèques et de deux tableaux. L'un d'eux, de ce qu'on lui avait dit, représentait le palais de Neims, aujourd'hui détruit... Au centre de la salle trônait un bureau de grande taille, où la paperasse semblait s'accumuler. Si le lieu était d'un grand luxe pour le Bastion, il ne convenait pas le moins du monde à une personne du rang d'Edward de Reydoran, pensa Layla.

-Mademoiselle Soubresault fit une voix cassante, au fond de la salle... Cela ne fait qu'un peu plus de seize heures que nous attendions votre visite...

Layla fixa son interlocutrice d'un air atterré. Malgré l'heure tardive, elle avait espéré qu'Edward soit encore éveillé...

La femme qui venait de s'adresser à eux sortit de l'ombre, laissant apparaître d'énormes cernes qui n'étaient pas bon présages lorsque l'on connaissait l'individu en question. Pourtant, la femme se radoucit lorsqu'elle vit Lilia à ses côtés.

-Ravie de vous revoir, mademoiselle Hubs. Y aurait t-il un problème, pour que vous vous présentiez toutes deux aussi tard ?


Lilia, qui avait jusqu'à lors docilement suivi sa comparse sans mot dire, ne manqua pas de signifier sa surprise d'une exclamation au volume plus élevé qu'elle ne l'aurait souhaité lorsqu'on les interpella. Cette femme qui leur faisait face n'était autre que Melody Jennsen, ancienne capitaine de l'armée du Sud en Valato, et actuelle dirigeante des forces de défenses du Bastion. En somme, il s'agissait, avec Kellue Dovlass, de la figure militaire la plus éminente de l'humanité. Et si Edward avait tendance à intimider la petite blonde, Melody l'effrayait tout bonnement. Elle parvint toutefois à s'incliner sans quitter cette féroce guerrière des yeux, consciente du ridicule de la démarche, puis prit la parole avec un ton saccadé qui n'était pas sans rappeler ses tics de langage prépondérants durant son adolescence. À s'entendre parler, Lilia se trouvait ridicule.

-Layla et moi, on a...hum...c'est rapport à notre pouvoir, on ressent comme une chose. Il y a des êtres étrangers et...eh bien...on n'est sûres de rien, mais je crois que c'est dangereux.

Tendue au possible, Lilia fit en interne un petit bilan des quelques mots qu'elle venait de murmurer. Ses craintes étaient fondées : tout ceci n'avait aucun sens. Elle soupira de nouveau un grand coup. Dans des moments comme celui-ci, elle regrettait de ne pas avoir passé plus de temps avec Benjamin Lyzzen. Si elle avait pu s'inspirer de son franc parler et de son aisance presque insolente, sans doute aurait-elle gagné en prestance. Face au regard à la fois incompréhensif et inquisiteur de Melody, Lilia sentit le rouge lui monter au joues mais parvint à garder contenance et discourut de nouveau.

-Pardon, je recommence. Des êtres d'un autre monde sont apparus ici ou sont au moins en route. Voilà. C'était simple en fait, s'amusa-t-elle avec un rictus nerveux.

Malgré le charabia déclamé par l'Archange, Melody comprit aussitôt qu'il s'agissait d'une situation urgente. Par politesse, et bien qu'elle n'ait pas la moindre envie d'attendre des explications plus claires de la part de Lilia, la militaire parvint à se contenir et laissa son interlocutrice reformuler ses propos avant d'acquiescer vivement de la tête.

-Je pars chercher Edward au plus vite.

Elle s’éclipsa quelques minutes, laissant les deux jeunes femmes seules. Layla eut un petit rire moqueur à l'adresse de son aînée, qui n'avait pas hérité du don d'éloquence. Voyant sa mine terrifiée, elle déclara tout de même :

-Tu devrais t’entraîner à parler devant un miroir ! C'est un vrai conseil, hein ! Ajouta t-elle en voyant le visage déconfit de Lilia.

Alors qu'elle finissait sa phrase, Melody reparu en compagnie d'Edward de Reydoran. Si l'ancien souverain de Naïlika venait de se réveiller -comme le montrait sa robe de chambre-, il semblait parfaitement éveillé. Plutôt beau garçon, de taille moyenne, il se dégageait de lui une aura d'autorité, mais aussi un grand humanisme, deux qualités rares et cruciales chez un politique. D'un hochement de tête il salua les deux archanges avant de s'asseoir sur son siège.

-Merci de m'avoir prévenu, malgré l'heure tardive. Expliquez moi ce qui se passe. Déclara le gouverneur, s'adressant bien plus à Lilia qu'à son homologue.


Lilia se mordait machinalement le pouce, le regard perdu dans le vide, et ne réagit pas à la remarque de Layla, de laquelle elle se serait certainement amusée en temps normal. Depuis son réveil en sursaut, les dernières paroles de Kayoshin ne cessaient de la hanter. Son instinct lui criait que la prophétie de l'aori était sur le point de se réaliser, et pourtant la jeune femme renâclait à révéler les tenants de cette conversation, par peur qu'on ne lui reproche ce secret si longtemps gardé. Face à Edward, elle se lança tout de même, en omettant cependant d'évoquer sa nature hybride, considérant que cette information ne la concernait qu'elle. Ce fut avec gène, voire avec honte qu'elle s'exprima, détournant le regard pour ne pas croiser les yeux du régent, telle une enfant incapable d'admettre ses torts.

-Avant de partir, Kayoshin m'avait parlé.

Ceci, tous le savaient déjà. L'isolement de deux des êtres les plus éminents de l'arène, succédé aussitôt de la disparition de l'un d'eux, n'était pas passé inaperçu. Mais en dépit de l'insistance de certains particulièrement curieux, Lilia n'avait jamais révélé la teneur des propos énoncés en ce jour, pas même à Miranda. Sans doute craignait-elle que son regard ne change en apprenant ces vérités. L'idée était puérile certes mais suffisamment anxiogène pour dissuader la jeune femme de se laisser aller à quelque confession. Consciente qu'elle lambinait, Lilia se décida à enchaîner d'une traite.

-Il s'agissait de sous-entendus et vu que Kayoshin n'était pas du genre sérieux, je n'ai pas pris la peine de vous en faire part, mais il m'a dit que le Pot n'était qu'un parmi d'autres. Je sais qu'il n'y a presque plus d'aoris, et je ne pense pas que Kayoshin me parlait d'autres « très-hauts » comme ils disaient, mais peut-être que depuis tout ce temps, notre univers n'était pas le seul. Et c'est peut-être une bonne nouvelle ! Enfin...je ne sais pas si cette présence est hostile, désolée. Layla ?

L'Archange se tourna vers sa cadette, curieuse de savoir si ses capacités sensorielles lui permettaient de fournir de plus amples informations, et désireuse plus encore de passer le relais afin de couper court à un monologue qu'elle ne se sentait pas de prolonger : jusqu'à lors interpellée, Lilia prenait peur. Il lui arrivait régulièrement, depuis quinze mois, d'être sujette à des crises d'angoisses qu'elle ne cherchait pas à refouler. Nerveuse, incapable de rester sur place sans gigoter, elle finit par faire volte-face et entrouvrit la porte qu'elle avait passé quelques minutes auparavant, quittant l'endroit sans justification aucune. La jeune femme courut à toutes jambes en direction de son appartement, faisant peu cas de son impolitesse tant de macabres pensées lui occupaient l'esprit. Son cœur battait la chamade lorsqu'elle entra chez elle, et elle ne retrouva son souffle qu'en constatant de ses propres yeux que Miranda se tenait toujours là, sous ces épaisses couvertures. Lilia retint avec difficulté un rire nerveux, essuya du dos de sa main la sueur qui perlait sur son front, et alla discrètement s'asseoir près du lit. Si un éventuel danger inconnu menaçait de faire irruption dans cet enfer, elle ne pouvait pas se permettre de quitter sa sœur, pas même un seul instant. Les autres pouvaient se retrouver sans défenses, elle s'en fichait bien, mais elle ne perdrait pas Miranda ni ne risquerait de la perdre, jamais. Celle-ci avait par ailleurs les yeux grands ouverts.

-Tu dors toujours pas ? murmura Lilia, en proie à une douce euphorie.

-Difficilement quand les vas et viens sont incessants. Qu'est-ce qu'il y a encore ?

-Rien, t'en fais pas.

-Lili...s'agaça Miranda.

Lilia répondit en passant une main qu'elle voulut rassurante sur sa joue, et s'installa dans le lit, où elle s'efforça de se tenir si proche de Miranda que cette dernière aurait juré n'avoir plus qu'un demi-mètre d'espace vital. L'adolescente se laissa pourtant faire, sentant aux gestes maladroits de sa camarade de toujours qu'elle avait besoin d'être apaisée, d'une manière ou d'une autre. Sans doute aurait-elle insisté pour glaner plus d'informations, seulement il ne lui fallut que quelques instants pour sombrer de nouveau dans un profond sommeil, bercée par le rythme respiratoire de Lilia. Miranda était loin de son douter de l'ampleur des découverts à venir, mais il y avait fort à parier que même en connaissance de cause, sa fatigue l'eut emporté sur la prudence. Et puis elle avait son ange gardien. Puisqu'elle tenait tant à la protéger en la cajolant comme une enfant, autant se prêter au jeu et la laisser faire son travail.

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TFJDoe

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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyVen 4 Sep - 13:04

En éclaireur

Kuroa tira son sabre de son fourreau, et tendit son bras d’un mouvement vif, glissant la lame de l’arme sous la lumière tremblotante de la torche. Elle avisant une petite tâche, et, soupirant, l’essuya du revers de sa manche.

Derrière elle, elle entendit Xerxes rire.

- Kuroa… T’étais pas censée être pressée ?
- Je pars sauver le monde, Xerxes, j’ai plutôt intérêt à avoir la classe.

Xerxes sourit et releva du fauteuil sur lequel il s’était affalé. Il s’approcha lentement de Kuroa et posa sa main sur l’épaule de la jeune femme.

- Tu te sens d’y aller ?
- On a le choix ?
- Non.

Satisfaite de l’état de sa lame, la guerrière la glissa dans son fourreau de cuir et se mit à vérifier les fixations de ses jambières, de ses brassières, et de la ceinture à laquelle était fixée une demi douzaine de petites pochettes. Elle acheva sa préparation, comme d’habitude, en nouant derrière son crâne ses longs cheveux noirs, ce qui provoqua un nouveau soupir de son ami.

- Tu sais que t’es quand même carrément plus belle avec les cheveux défaits ?
- Ouais.
- Alors pourquoi tu les attaches ?
- Parce que dans mon Grand Ordre Personnel des priorités, « te faire bander » vient quelques places en dessous de « ne pas avoir des cheveux dans la gueule en plein combat ». Et, encore au dessus, il y a « comprendre un jour pourquoi tu poses des questions connes dont tu connais parfaitement la réponse juste pour donner l’impression que t’es un peu débile alors que t’es le prof de démonologie de cette foutue académie, et que si tu étais aussi débile que ça, tu serais mort il y a quinze ans déjà ». Mais ça, j’ai presque renoncé, maintenant.

Xerxes éclata de rire, et fit un pas sur le côté pour laisser passer Kuroa qui sortit en trombe de la pièce.

- Gaffe à toi, petite ! s’exclama-t-il avant quelle ne disparaisse complètement dans les ténèbres du couloir.
- Promis, répondit-elle, sans se retourner.

***
Ses bottes cloutées claquaient contre les dalles de pierre avec force et précision. C’était un rythme rapide, presque entrainant, et il existait sûrement quelque part dans le multivers un musicien qui était en train de faire danser toute un salle sur ce tempo précis. Mais ce claquement là n’avait pas grand chose à voir avec les fêtes et les bals. C’était un claquement de détermination. Et la détermination, chez Kuroa, ne pouvait vouloir dire qu’une chose : quelqu’un allait probablement mourir ce soir.

Elle dépassa la salle d’armes sans ralentir, longea le grand couloir de l’aile l’ouest jusqu’à atteindre la salle de commune de la promotion Aspex. Là, elle bifurqua, et, après une trentaine de mètres de marches, écarta d’un geste de la main une tapisserie accrochée au mur qui révéla un escalier en colimaçon. L’Académie était pleine de ce genre de raccourcis et de passages secrets, et c’était l’un des avantages d’y enseigner que d’avoir l’occasion de les découvrir presque tous.
Cent vingt-trois marches, neuf portes, quatre couloirs, sept bifurcations et trente minutes plus tard, elle pénétrait enfin dans la salle des portails.

La salle des portails était souvent décevantes pour les guerriers, mais représentait une source d’excitations sans limite pour les mages. Kuroa se souvenait parfaitement de s’être posée la question au cours de sa première année à l’Académie. Si les Guides disposaient d’un portail pour se rendre dans chaque univers, et qu’il y avait un nombre infini d’univers, alors il devait y avoir une salle de taille infinie dans les caves de l’Académie, qui contiendraient une infinité de portail. Aussi, la première fois qu’elle y était entrée avait-elle été terriblement déçue de n’y voir qu’une simple arche de pierre, luisant à peine, tenant à peine dans une minuscule pièce. Un portail unique pouvait mener là où vous aviez besoin. Simplement.

Les guerriers étaient déçus de ne pas voir leur fantasme de salle infinie se réaliser, et les magiciens pleuraient d’envie devant la perfection de ce sort que personne n’avait pu imiter depuis des millénaires.

Deux gardes portant la livrée écarlate du Sénat se tenaient devant le portail. Ils se mirent au garde à vous en voyant arriver Kuroa, mais ne s’écartèrent pas du chemin.

- Vous êtes sur mon chemin là, commenta-t-elle simplement.
- E… Excusez nous, Madame… Nous devons voir votre autorisation.

Ah. Oui. Evidemment. Emprunter le portail pouvait avoir de graves conséquences, il était donc défendu de l’utiliser sans autorisation de mission du Sénat. Chose que Kuroa n’avait pas.

- Je ne l’ai pas.
- Alors vous ne pouvez pas passer.
- Ah… bah… c’est à dire que si.
- Nous…
- Ecoutez… Nous sommes probablement en train de faire face à la pire catastrophe du multivers depuis qu’on a commencé à raconter les saloperies qui nous arrivaient dans des livres pour que nos arrières-petits-enfants puissent en profiter. Le Sénat va probablement demander à ce qu’on fasse tout péter, et il est hors de question que l’on saccage un morceau d’univers sans savoir ce qu’il y a dedans. Donc faites un truc intelligent. Le seul truc vraiment intelligent que vous pouvez faire à cet instant…

Elle tira son sabre qui étincela brièvement.

- Faites un pas de côté.

Les gardes du Sénat n’étaient pas n’importe qui. La plupart d’entre pouvaient rivaliser avec des guides – beaucoup étaient d’ailleurs d’anciens membres de l’Académie – qui avaient voyagés dans le multivers, et en étaient revenus vivants. Non, décidément, les gardes du Sénat n’étaient pas n’importe qui. Mais Kuroa, elle, était quelqu’un. Prudent, les deux gardes s’écartèrent. Personne ne pourrait le leur reprocher.

Kuroa leur sourit, murmura un merci à peine audible, et se tourna vers le portail. Elle songea le plus fort possible « j’ai besoin de savoir ce qu’il se passe »… et elle s’engouffra sous l’arche.

***

Voyager par le portail était certes pratique, mais n’allait pas sans un bon nombre d’effets secondaires. Migraines, vomissements, parfois pertes de conscience, voire pire. Ce genre d’effets, tous les guides y étaient habitués. D’autant plus qu’ils étaient signe que le voyage s’était bien passé. Lorsque le trajet se passait mal, les effets étaient autrement plus douloureux.

Et le voyage de Kuroa se passa très mal.

A peine avait-elle franchi le seuil qu’elle sentit que quelque chose n’allait pas. Le portail résistait, la freinait, la bloquait.

Elle ne paniquait pas tout à fait. En fait, elle avait depuis longtemps dépassé le stade de la panique. Elle ne comprenait plus pourquoi il lui avait semblé judicieux de se précipiter ici enquêter sur cette perturbation, elle ne se souvenait plus de son plan. Elle se souvenait simplement de son ancien professeur de magie, Lord Hordon, expliquant d’une voix morne à sa classe de première année qu’un guide qui ratait son trajet en portail était simplement effacé de la réalité. Ou plus précisément « ses atomes seraient divisés équitablement entre tous les autres atomes qui forment tous les autres mondes du multivers ». Ce qui laissait assez peu de chance de survie.

Elle avait rebondi. Pour la première fois en quinze ans de voyage, Kuroa avait rebondi. L’univers qu’elle voulait rejoindre l’avait repoussé. Encore quelques secondes et elle serait perdue.

Le passage qui liait deux mondes l’un à l’autre n’était jamais le même selon les guides. Pour certains, il avait l’apparence d’un simple couloir à traverser, pour d’autres, c’était un vaste orchestre chaotique de son et de sensation qu’ils ne parvenaient jamais à décrire. Kuroa, elle, voyait toujours la même chose depuis son premier trajet : une pente enneigée qu’elle devait gravir jusqu’à une entrée de caverne obscure. Dès qu’elle y pénétrait, elle arrivait à destination.

Mais pour ça, elle devait la gravir.

Avez vous déjà escaladé une pente enneigée ?

Avez vous déjà escaladé une pente enneigée quand chaque particule qui la compose semble être dotée d’une volonté qui les transforme en essaim vous repoussant centimètres après centimètres.

Avec un hurlement de rage, Kuroa sortit son sabre et le ficha profondément dans la glace, s’y cramponnant. Une force irrésistible la tirait en arrière. Elle rebondissait. Elle rebondissait !

Elle frappa dix fois du pied droit dans la neige, puis dans la glace pour y tailler une petite encoche qui pourrait lui servir d’appui.

Elle leva les yeux. Elle était à trente mètre de la grotte. Un coup d’œil derrière elle lui confirma qu’elle n’était qu’à trois ou quatre mètres du portail qu’elle ne devait surtout pas repasser de cette manière.

Avec un nouveau cri, elle prit appui sur son sabre et sur l’encoche pour tenter d’avancer. Puis encore. Et encore.

***

Combien de temps avait-elle mis pour franchir ces trente mètres ? Elle n’aurait pas su le dire. Probablement huit heures au moins. Heureusement pour elle, à mesure que le temps passait, la force qui la repoussait déclinait, comme si la protection de l’univers qu’elle cherchait à atteindre s’écroulait petit à petit.

Sans cela, elle aurait probablement été arrachée à sa prise fragile quelques heures auparavant.

Elle ne tenait plus debout, elle avait dépensé jusqu’à la dernière goutte de karma – sa source de magie – dans l’affaire, et elle était à peu près sûre de s’être littéralement déchiré quelques muscles, mais elle était passé.

Allongée, face contre terre, son sabre à la main, et absolument pas capable de bouger, d’ouvrir un œil, ou de réussir à rassemble assez d’indices sensoriels pour avoir une idée de là où elle était arrivée, certes, mais elle était passée.

Et il lui faudrait encore de longues secondes avant de commencer à prendre conscience, lentement, du fait qu’elle n’était pas seule dans la pièce.
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Petit Crayon

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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyVen 4 Sep - 14:29

Une gène. Teintée d'inquiétude certes, mais avant tout une gène. C'était ainsi que Lilia aurait pu, au mieux, décrire cette impression ressentie depuis son réveil en sursaut. Tous les voyants étaient au vert, si ce n'était ce petit élément parasite qui, sans faire preuve d'une dangerosité quelconque, continuait de la déranger. Pour peu de s'occuper l'esprit, passer outre une gène n'avait rien de sorcier. Mais la gène se transforma. Faible, à peine perceptible, elle muta pour devenir douleur, lancinante, régulière. Après chaque accalmie, la douleur revenait, portait un nouveau coup à l'esprit de l'archange. Lilia ne pouvait plus fermer l'œil. Elle tenait fermement Miranda entre ses bras comme une enfant se serait rassurée en agrippant une peluche, attendant avec appréhension la prochaine secousse qui ferait trembler son âme. L'être venu d'ailleurs tentait de s'infiltrer parmi eux et enfonçait la porte plutôt que de l'ouvrir. Une porte dont les nerfs étaient liés à ceux de la mutante et dont les gonds craquaient peu à peu. Sans s'en rendre compte, Lilia avait activé son aura blanche, qui émanait de son épiderme et venait s'agglutiner autour de celui de Miranda, la plongeant dans une chaleur réconfortante qui était à n'en pas douter la cause de son sommeil pour une fois profond.

Le temps passa, se comptant en heures, et Lilia perdit pied. À mesure que ses sens encaissaient ces assauts répétés, le peu de bienséance qu'il lui restait se dissipait. Elle ne pensait plus à Layla dont la nature du pouvoir était telle qu'elle pâtissait certainement de la situation bien plus qu'elle encore, ni même à Edward dont elle s'était lâchement soustraite, et encore moins à ses amis de l'institut, lesquels dormaient sur leurs deux oreilles. Elle obstruait le danger potentiel que représentait l'intrus, se fichait de l'organisation pourtant essentielles des défenses du Bastion. Recroquevillée sous ses couvertures, elle attendait seulement avec espoir que les chocs s'arrêtent d'eux-même. Telle une malade en convalescence, elle tenait le lit en oubliant le monde qui l'entourait. Mais elle ne s'assoupissait pas. À chaque minute, les frémissements l'endolorissaient, si bien qu'une migraine sans nom vint conquérir son crâne. Les yeux exorbités, au bord des larmes, en sudation, la jeune femme luttait pour conserver son sang-froid, priait pour que l'envahisseur fasse demi-tour, et endiguait tant bien que mal l'aura violette qui attendait patiemment l'occasion de prendre le contrôle. Jamais plus elle ne voulait lui laisser cette chance. Par le passé, Lilia s'était laissée maîtriser par l'énergie redoutable du don hérité de Kayoshin Mangreefer, et cela avait failli coûter la vie à nombre de ses amis. Seule Angélyna était capable de la calmer lorsqu'elle entrait dans cet état de semi-conscience, or Angélyna n'était plus. Si l'aura prenait sa place aujourd'hui, les survivants n'auraient d'autre choix que de l'abattre, et elle ne tenait ni à leur faire de mal ni à mourir. Et ce fichu intrus qui continuait de tambouriner à la porte du monde...ne voyait-il donc pas que nul n'était enclin à venir lui ouvrir ? Alors que le soleil était presque levé et que les plus matinaux se préparaient déjà pour une longue journée de travail, Lilia ne tint plus. Elle quitta soudainement ce lit auquel elle aurait juré être éternellement liée, courut à travers le couloir de son appartement et en sortit en trombe. Si tôt qu'elle fut à l'extérieur, l'archange bondit avec une brutalité qui ne lui ressemblait pas et atterrit d'une courbe au centre du champ de bataille ravagé par Miranda la veille. L'aura blanche était martelée d'informations parasites depuis des heures et souffrait de ce besoin insatiable de s’exprimer, aussi lui en laisserait-elle l'occasion sans faire dans la retenue.

Lilia ressentit un coup de butoir supplémentaire lorsqu'elle mit pied à terre et s'écroula en hurlant. Et alors que de puissants courants violacés venaient teinter la manifestation immaculée de son pouvoir aori, la mutante se redressa avec fureur. L'aura blanche s'avérait d'accoutumée douce, chaleureuse, belle à bien des égards ; cette fois-ci, elle s'amplifia jusqu'à devenir si lumineuse que le Bastion en fut éclairé comme au zénith. Lilia en avait assez de souffrir. Elle se retenait depuis toujours, évitait au possible de faire du mal à quiconque, prenait sur elle. Mais elle était l'archange. Elle disposait d'une puissance sans égale, du pouvoir de changer les choses, de modifier à sa convenance une réalité qui lui déplaisait, or la situation ne lui convenait pas le moins du monde. Elle avait beau ne pas comprendre l'étendue ou le fonctionnement de ses capacités, la marche à suivre lui sembla toute indiquée, et ce fut presque d'instinct qu'elle agit. Puisque l'invité surprise ne cesserait de frapper à la porte, elle allait la lui ouvrir une bonne fois pour toute ! Sa formidable magie parcourut chaque parcelle de son corps, chassant son ankylose et ses souffrances. Lilia retourna sa main droite pour que sa paume se retrouve face au ciel, et aussitôt les volutes dorés vinrent y former une sphère aux contours éthérés. Une à une, les parcelles de l'aura blanche y pénétraient sans que le volume de l'objet ne change. Lilia continua ainsi, accumulant son énergie en un point, jusqu'à qu'elle n'en possède plus que le nécessaire pour que ses membres continuent de lui obéir. L'archange ne rayonnait plus, n'était plus qu'une frêle silhouette au milieu d'un paysage chaotique, et rien n'aurait indiqué qu'il s'agissait d'un être exceptionnel si ce n'était cette minuscule sphère, pâle, faible. La jeune femme comprit pourtant qu'elle était parvenue à faire ce qu'elle échouait à réaliser depuis quinze mois : modeler à sa guise sa magie. Ce sortilège qu'elle venait de créer avait une fonction bien précise. Détruire, annihiler sans laisser de trace, effacer de la réalité. Non pas un simple humain, non pas un monstre dangereux tel que le Mégoül, mais une entité autre. Lilia attendit patiemment que le prochain coup l'atteigne. Elle ne trembla pas cette fois-ci, concentrée qu'elle était à repérer sa cible. Et dès lors que ce fut fait, elle laissa paisiblement léviter son sortilège, lequel entama une montée verticale avant de disparaître.

Il faudrait un certain temps à sa magie pour atteindre la porte qu'elle se figurait depuis cette nuit, aussi Lilia décida-t-elle de retourner se coucher. Épuisée par sa dépense colossale, elle marcha paisiblement jusqu'aux grandes portes du Bastion, où on la laissa entrer sans poser de questions. Elle constata amèrement que les dalles constituant le parterre s'étaient brisées à l'endroit d'où son saut avait été réalisé mais ne s'en formalisa pas, préférant retourner se blottir dans ses couvertures. L'absence momentanée de l'aura blanche la faisait retourner à sa condition d'humaine presque lambda, et pour la première fois depuis plus d'un an, elle ressentit une véritable fatigue physique. Ce fut avec un sourire trop rare à son goût qu'elle s'assoupit pour de bon. Deux heures plus tard, le ciel devint intégralement blanc quelques secondes durant. Et sans que Lilia, qui rêvait à quelques broutilles insensées, ne s'en rende compte, le pouvoir de l'archange vint annihiler la Nébuleuse du Néant.

Miranda se réveilla aux alentours de dix heures. Compte tenu de son exploit de la veille, elle avait décidé qu'Esmezia pouvait lui accorder une grasse matinée. Et même si sa supérieure n'avait pas été d'accord, elle n'en aurait fait qu'à sa tête de toute manière. Pâteuse, la mutante se redressa en se frottant les yeux, puis constata avec tendresse que Lilia dormait à poings fermés à ses côtés. L'envie de la lever du lit fut vite chassée. Pour une fois qu'elle semblait en paix, autant l'y laisser. L'adolescente étira longuement ses bras engourdis, se leva discrètement, fit quelques pas dans sa chambre en se grattant le bas du dos, puis se stoppa net, médusée. Une femme dormait sur le sol. Là, devant leur lit. Miranda avait été surprise la première fois, et c'était déjà la troisième inconnue à venir envahir leur appartement. Peut-être auraient-elles bon compte d'en verrouiller la porte, finalement. Elle agrippa avec flegme son épée déposée sur la table-basse, et enfonça sans vergogne le bout du fourreau dans la joue de la jeune femme.

-Oh, l'interpella-t-elle. T'es qui toi ?


Dernière édition par Petit Crayon le Sam 5 Sep - 11:33, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyVen 4 Sep - 14:53

- Téhihoi ?

On lui parlait. Quelqu’un, quelque chose, lui parlait. Dans une langue qu’elle ne parlait visiblement pas ce qui était… Ce qui était… Ce qui était … Hautement improbable pour une voyageuse dimensionnelle tout à fait habitué à s’adapter aux différents dialectes de la langue commune…  Alors… « Téhihoi »…

Kuroa fonctionnait au ralenti, et cela la rendait dingue. Elle était habituée à réagir en un battement de cil, et à prendre ses décisions en deux respirations maximums. Ca ne lui ressemblait pas du tout de mettre d’aussi longues secondes à faire le point.

« T’es qui toi ? ». Ca devait être ça, plutôt… C’était plus… Cohérent. Après tout, les locaux était souvent assez surpris de voir les guides débarquer chez eux. Surtout quand…

Kuroa ouvrit un œil. Elle était dans une chambre.

Une gamine brune la menaçait de son sabre. Sans qu’elle ne puisse vraiment savoir pourquoi, Kuroa était intimement persuadée qu’elle savait s’en servir. Quelque chose dans l’assurance de la fille était assez impressionnant. Qui qu’elle soit, elle avait du déjà voir une bonne quantité de choses pas nettes dans sa vie.

Très lentement – elle n’aurait de toutes façons pas pu se permettre d’aller vite – Kuroa se retourna en exhibant autant que possible ses mains pour montrer qu’elle n’avait aucune idée en tête qui puisse déplaire à la brune.

- Je…

Elle toussa aussitôt après avoir essayé de parler, et un goût de sang lui emplit la bouche. Elle l’ignora, et réessaya.

- Je suis… Kuroa Nishida… Et j’essaye de …

Elle n’avait pas la moindre idée de comment formuler la chose. « Voir si quelque chose respire ici avant que le Sénat ne décide de l’atomiser » semblait un peu trop terre à terre. « Sauver votre peau » était trop théâtral…

- J’essaye de comprendre ce qui se passe ici…

Elle laisse passer quelque seconde avant d’ajouter – en espérant faire réagir la fille :

- Vous l’avez sentie ? Cette énergie ?
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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyVen 4 Sep - 16:22

Les parties ainsi colorées ont été rédigées par TFJDoe


Miranda plissa les yeux tout du long, attendant que l'inconnue parvienne à s'exprimer convenablement sans pour autant relâcher son attention. Au moindre geste suspect, l'adolescente n'hésiterait pas à attaquer. Il s'agissait donc de cette fameuse énergie que Lilia avait évoqué la veille au soir, et dont elle n'avait voulu lui parler plus amplement, certainement par peur de la paniquer en vain. Miranda reposa calmement son arme, dont elle n'aurait guère besoin s'il s'agissait de stopper un seul individu. La logique aurait voulu qu'elle réveille sa sœur, toutefois la mutante préféra s'assurer que son interlocutrice n'était pas une illuminée quelconque des bas-fonds du Bastion avait de la déranger.

-Moui, répondit-elle. Un truc comme ça. T'en sais quoi ?

- Pas beaucoup plus que toi, j'imagine... On est où là ?

-...dans ma chambre, lui répondit-elle, agacée. T'as pas grand chose à y faire d'ailleurs.

Kuroa commençait à émerger un peu plus.

-Désolée... C'était pas prévu... On contrôle jamais tout à fait l'endroit où on arrive...

-Ok... Je suppose que tu vas rien me dire jusqu'à ce que je me sois expliquée ... Et que si ce que je te dis ne te... ne te satisfait pas, tu voudras m'ouvrir la gorge à coup de sabre... Je me trompe ?


L'endroit où on arrivait ? Plus Miranda écoutait l'intruse, plus ses sourcils se soulevaient. Le dépit s'installait tranquillement sur son visage alors qu'elle devenait presque certaine d'avoir affaire à une timbrée ayant trop pris le soleil ces derniers mois. Pourtant elle la laissa continuer, placide, et, il fallait bien l'admettre, quelque peu curieuse. Si tel était son désir, elle la laisserait s'exprimer. Mais pas ici. L'adolescente pouffa cependant avec amusement durant les dernières phrases prononcées par Kuroa, et répondit avec un cynisme amusé.

-Te trancher la gorge, bien sûr. J'ai aussi une corde dans l'armoire, tu sais, pour les pendaisons ? Bon, déjà, tu sors de là. Je veux bien t'écouter mais pas ici, j'ai pas envie de la réveiller, fit-elle en désignant Lilia du pouce.

Kuroa ne put s'empêcher de sourire. La petite lui plaisait. Elle avait toujours un faible pour ceux capable de voir débarquer un guide devant eux, et d'avoir l'air à peine plus étonné que s'il ne s'était agi que d'un simple pli dans le tapis.
Elle tenta de se lever, mais ses muscles étaient encore trop douloureux. Résignée, elle tendit sa main à la jeune fille.

- Tu m'aides ? Oh... Et j'ai aussi un sabre... J'aimerais bien avoir le droit de le garder, c'est un souvenir. Mais si tu ne me fais pas confiance, je peux le déposer quelque part où il ne craint rien...

Kuroa aurait largement préféré le garder près d'elle - si possible dans son poing crispé - mais elle n'était de toutes façons pas en état de se battre, et, quitte à apparaître au milieu de la chambre de quelqu'un, autant éviter d'avoir l'air aggressif. Surtout quand ce quelqu'un aussi, avait un sabre.
Miranda retira la main qu'elle s'apprêtait à tendre à Kuroa, lui adressa un sourire moqueur, puis l'aida finalement à se redresser avant de s'adresser à elle, en murmurant, sur un ton presque cordial en dépit de la teneur de ses propos:

-En fait, je vais être claire, si tu fais preuve d'agressivité, je te réduis tellement en miette qu'il sera plus possible de deviner que tu étais un être humain avant que je m'occupe de toi. Alors franchement, sabre ou pas, ça change pas grand chose.

Puis elle s'éloigna quelque peu et lui tapa amicalement sur l'épaule avant de s’exprimer à plus haute voix, avec cette fois-ci un semblant d'entrain.

-Du coup je t'en prie, garde le ! Le salon est...eh bien...par là.

Kuroa commençait à apprécier de moins en moins la petite. Elle connaissait tout à fait ce genre de personnes. Des adolescents, des gamins, ayant à peine vécus, et beaucoup trop confiants dans leurs capacités... Ou pire, des petits génies dont l'impression de supériorité était... eh bien... justifiée...

Kuroa savait comment ils fonctionnaient. Après tout, elle avait été exactement comme ça, elle aussi...

Elle suivit la fille jusqu'à l'extérieur de la pièce, faisant de son mieux pour ne pas - trop - boîter.

Dès qu'elles furent suffisamment éloignées pour pouvoir parler, Kuroa décida d'y aller franchement.

-Bon... Je viens d'un autre monde. J'ai voyagé jusqu'ici alors que ça n'aurait pas du être possible, et ça fait des milliers d'années que les miens regardent cet endroit sans comprendre ce que c'est et sans parvenir à y entrer...


-Ah ouais. Carrément ?

- J'ai... trop mal partout pour trouver une façon plus détournée de dire les choses... Ecoute, ce que je vais te dire est extrêmement important... Est-ce que les tiens savent qu'il y a d'autres mondes ?

Kuroa laissa un blanc. Elle ne pouvait pas tout expliquer maintenant à la petite. C'était trop tôt. Mais s'il y avait d'autres mondes, d'autres mondes connectés, un pan entier du multivers isolé du reste, il fallait qu'elle sache... Un monde isolé, seul, pouvait rester cacher, mais les Muses auraient forcément eu conscience de l'existence de ces univers si...

Elle laissa tomber... Tout ça était trop compliqué pour elle. Elle savait à présent qu'il y avait des gens, des gens en vie, des gens à sauver, ici. Elle devait en avertir le Sénat, et le plus tôt possible.


Miranda acquiesça lentement, les yeux dans le vague, voulut intervenir en plein milieu mais se retint pour laisser son interlocutrice aller jusqu'au bout de son récit, puis soupira sans raison particulière. Elle alla s'affaler sans élégance aucune dans le canapé miteux et se mit à mâchouiller quelques baies qui traînaient par là avant de répondre d'un ton détaché.

-Ouais mais non, c'est de la merde ce que tu me racontes là. Parce que y'a pas d'autres mondes. La mort du Pot, tout ça, hein ? Bon, ce qu'on va faire c'est que je vais appeler les gardes, ils vont me dire qui t'es et puis te renvoyer dans ta famille, qu'ils s'occupent un peu de toi. Ça m'a pas l'air de tourner super rond si tu veux mon avis.

Kuroa éclata de rire... Elle n'avait pas pu s'en empêcher... La mort du Pot. Le Pot ! Elle avait beau savoir que tout le multivers était parfaitement accordé, l'idée que les locaux et que l'Université décident, sans se consulter, d'appeler ce fragment de multivers par le même surnom était le genre de choses qui l'impressionnait toujours autant.

En revanche, il était hors de question de se laisser foutre dehors par une gamine.

-Ouais mais si... Le Pot n'est pas "mort"... Enfin je ne crois pas... Il est juste... ouvert ? Tu vis dedans, je vis en dehors. Maintenant réponds moi, ok ? Combien de monde y a-t-il dans le pot ? Et surtout est-ce que vous utilisez une putain de magie ? C'est important ! Beaucoup plus important que tout ce que tu peux imaginer !


Voilà que cette intruse se permettait d'une part de se moquer d'elle, et d'une autre de lui donner des ordres. Si jusque là Miranda la tolérait, la tournure que prenait cette conversation commençait à lui déplaire ; or Miranda n'était pas du genre à composer avec ce qui ne la satisfaisait pas. L'adolescente s'apprêtait à répondre avec autant de fougue, voire plus, lorsque Lilia apparut au détour du couloir. Elle pénétra dans le salon, engourdie mais en pleine forme pour la première fois depuis longtemps, et adressa un large sourire à sa cadette et son invitée. Les amies de sa sœur étaient les siennes. Sauf qu'il ne s'agissait pas d'une amie lambda. Dès qu'elle posa les yeux sur la métisse, Lilia sentit les battements de son cœur s'accélérer. La douce expression habituellement caractéristique du visage de l'archange se mua pour laisser place à une colère mêlée de peur, et la jeune femme courut se placer entre les interlocutrices. Déjà, l'aura blanche, parfaitement restaurée, émanait de sa chair.

-Mira, tu cours trouver Edward !

L'adolescente, qui n'avait pas bougé du canapé, comprit enfin le lien entre les propos tenus par Lilia la veille et ceux, plus récents, de Kuroa.

-Ooooh ! s’exclama-t-elle. Je vois. C'est elle que...et du coup c'est toi qui...d'accord, je vois. Bon bah j'y vais alors...

Miranda termina la grappe qu'elle avait entamée, se lécha les doigts, puis alla vivement enfiler une tenue convenable avant de quitter sa demeure et de monter vers les appartements dédiés au gouvernement. De là, elle frappa directement chez le dirigeant du nouveau monde. Lilia, plus bas, scrutait le moindre des mouvements de l'inconnue, prête à la détruire sur le champ si nécessaire.

-C'est vous qui tentiez de passer cette nuit. Vous venez d'ailleurs, hein ?

Kuroa laissa échapper un soupir de soulagement. Sa tête lui tournait encore, et elle s'agrippa à l'accoudoir d'un canapé pour rester aussi droite que possible. Tomber sur quelqu'un qui avait conscience de cet "ailleurs" était la meilleure chose qui pouvait lui arriver.

-C'est moi... Normalement, passer d'un endroit à un autre est facile, mais votre monde était... scellé... Je ne sais pas pourquoi... Hier, il a commencé à s'ouvrir. Certains... responsables... De chez moi s'en sont inquiétés, et j'ai décidé de partir seule en éclaireur pour voir de quoi il en retournait... On ne pouvait pas prendre le risque de les laisser détruire ce monde par simple précaution... je...

Elle s'arrêta et reprit un peu sa respiration.

-Je suis désolé, je parle vite, mais on est pressé... Très pressé... Vous avez de la magie, n'est-ce pas ? Une magie puissante même ? Alors dites moi... s'il vous plaît... Dites moi qu'il n'y a pas de créatures étranges... de créatures maléfiques... de démons... Vous n'avez pas ça, hein ?


Lilia répondit au négatif par un hochement de tête. Elle était toujours méfiante, mais les mots de cette femme semblaient être prononcé avec honnêteté. Puis l'archange revint sur sa réponse précédente. Elle avait réagi sans réfléchir et s'empressa de corriger son erreur :

-Si. Ce monde en est rempli. Vous allez bien ?

S’agrippant toujours au canapé d'une main, Kuroa ferma les yeux et se massa les paupières de l'autre. Tout ce compliquait. Tout allait trop vite.

-Je ne suis pas en grande forme... Le passage a été très difficile... Mais il le sera moins à présent. Les frontières sont en train de tomber... Écoutez je n'ai pas la légitimité de prendre des décisions... Y a t-il un dirigeant dans votre monde ? Ou plusieurs ? Si oui, il faut les rencontrer. Les rencontrer vite. Peut-être même les faire passer dans mon monde au plus vite... Organiser une rencontre entre nos dirigeants...


La situation échappait déjà à Lilia, qui avait pourtant souffert toute cette nuit du passage de la jeune femme dans leur monde. C'était elle l'archange, elle qui avait été prévenue par Kayoshin de l'existence potentielle d'autres univers, mais l'incompréhension l'emportait. C'en devenait frustrant. Elle jaugea la situation quelques secondes, puis décida de faire s'éteindre la lueur produite par son pouvoir. Rien ne servait de jouer plus longtemps la carte de l'intimidation. Elle s'approcha de Kuroa, dont elle ne savait rien si ce n'était son statut d'étrangère, et passa son bras par-dessus ses épaules pour l'aider à se redresser.

-Je vous emmène voir un guérisseur, expliqua-t-elle. Miranda est allée chercher notre dirigeant, on va faire en sorte qu'il vous rencontre.

Lilia traîna sans réellement lui laisse le choix son invitée surprise jusqu'à l'extérieur, puis prit la direction des hauts-quartiers ou se situait entre autre la clinique tenue par les guérisseurs valatiens.

-Je crois que je peux vous faire confiance, lui glissa-t-elle sur le chemin. Mais il faut que vous me disiez quoi faire.

Kuroa envisagea de refuser d'aller voir les guérisseurs, mais sa fierté n'était pas assez grande pour la pousser à renoncer à un peu de soin. Elle décrocha de sa ceinture une de ses sacoches, et la confia à Lilia.

-Là dedans, il y a, euh... sept petites baguettes en bois. Si vous la prenez et que vous la brisez, vous serez emportés dans mon monde. Allez voir vos dirigeants. Demandez leur s'ils préfèrent aller voir mes chefs, dans mon monde, ou s'ils veulent que ce soient qui viennent... Il va falloir ... se préparer à se battre. Surtout s'il y a autant de démons que vous avez l'air de le dire...


Lilia laissa Kuroa aux mains des cliniciens la minute suivante, en omettant volontairement de lui révéler ses origines. Si tout ce qu'elle disait s'avérait vrai, rien ne servait de répandre la nouvelle pour le moment. L'archange examine les baguettes dont parlait l'inconnue sans pour autant les manipuler. Hors de question de se retrouver dans un autre monde. Elle fit route vers les locaux d'Edward, espérant l'intercepter en cours de route, mais ses pensées étaient tournées vers Layla. Son ressenti devait être particulier en cet instant. Elle irait s'assurer de son bien-être dès que cette affaire serait réglée.  
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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyMar 8 Sep - 18:53

Les multiples préoccupations d'Edward avaient, dès lors que Lilia était revenue dans son bureau, complètement disparu. Une fois que la jeune adulte lui eut conté l'arrivée de la « voyageuse », il insista pour la rencontrer lui aussi. D'une seule traite et sans autre garde que Lilia et Kellue à sa suite, il se rendit à la clinique. Un brouhaha anormal y régnait, et il ne fut pas difficile d'en trouver la source.

Invectivant les soigneurs qui refusaient de la laisser passer, Layla ne semblait pas loin de la crise de nerfs. L'adolescente avait tendance à s'énerver facilement dès lors que son autorité était contestée, et surtout pour un événement aussi important que celui ci. La jeune fille, décidée à faire céder les médecins à ses caprices surenchérissait en arguments, face à deux infirmières qui lui tenaient tête courageusement. Fatigué de devoir la rappeler systématiquement à l'ordre, Edward décida d'intervenir.

- Il suffit, mademoiselle Soubresault. Déclara t-il sèchement.

L'adolescente sembla voir dans l'apparition du gouverneur un moyen d'appuyer ses propos.

- Sire, il s'agit d'une mission de la plus haute importance ! Pouvez vous indiquer à vos « gardes » de me laisser pass...

Edward l'interrompit aussitôt d'un signe de main.

- C'est justement la raison de ma présence fit-il du même ton sec. Pouvez vous m'expliquer pourquoi vous importunez le personnel hospitalier ainsi que les patients ?

- Vous ne comprenez pas rétorqua Layla d'un petit air supérieur. Il y a une femme, ici, qui n'est pas de ce monde et je dois absolument...

- Je pense comprendre la situation mieux que vous, et votre comportement n'est pas tolérable. Veuillez sortir de cet hopital, dès à présent, mademoiselle Soubresault.

D'un air furieux, mais dans un murmure, il ajouta face à l'air indigné de Layla : « Ne dépassez pas les bornes ». La jeune fille, tellement désemparée par une telle fermeté à son égard, resta silencieuse. Puis, sans ajouter un mot, elle disparu, visiblement sur le point de fondre en larme. Sans prêter plus d'attention à la jeune fille, le gouverneur salua d'un signe de tête les infirmières, puis entra dans la chambre où se reposait « l'étrangère ».

- Bonjour. Fit-il simplement en observant avec attention le visage de la blessée. Pouvez vous m'expliquer la raison de votre arrivée en ce monde ?
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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyJeu 10 Sep - 22:12

Kuroa ne put pas dire qu’elle apprécia immédiatement le gouverneur. Quelque chose dans son ton autoritaire le mit mal à l’aise, lui rappelant trop l’attitude de certains des dirigeants des Guides ou de l’Académie. Sans être vraiment une tête brûlée, Kuroa n’avait jamais été extrêmement à l’aise avec l’autorité, et elle ne mit pas longtemps à regretter l’ambiance feutrée du salon qu’elle venait de quitter.

A vrai dire, même la compagnie de cette adolescente… irritante… lui semblait mille fois préférable au brouhaha de la salle d’hôpital et à la présence d’un politicien.

Mais après tout, certaines relations demandaient un peu de temps… Avec un peu de chance, le fait de mourir côte à côte face à des hordes de démons déferlant sur le pot suffirait à les rapprocher ? Avec un peu de chance, ils finiraient même par bien s’entendre !

Kuroa soupira. Des explications. On lui demandait des explications.

Il y avait une règle plus ou moins tacite au sein des Guides. On ne révélait jamais la réalité du multivers à des locaux. Encore moins la première année. Encore moins la première semaine. Et surtout pas la première heure. C’était la meilleure façon d’être prise pour un fou, d’être brûlé vif, ou autre réaction en tout genre. Kuroa avait déjà enfreint cette règle deux fois depuis le début de la soirée.

Jamais deux sans trois.

Elle choisit ses mots soigneusement. Elle ne s’attarda pas sur les Muses, et encore moins sur les légendes du Roi Poète. Cela viendrait plus tard. Elle se contenta simplement de décrire le simple cycle habituel des destructions d’un monde (Apparition de la magie menant à l’affaiblissement des frontières, menant à une invasion démoniaque résultant systématiquement en une destruction totale de cet univers, ainsi que d’un baisse considérable du niveau de vie des classes moyennes y résidant).

Et de parler des Guides et du Sénat.

C’était toujours un moment délicat. En règle générale, les locaux étaient assez flattés d’apprendre qu’une Académie situé à des milliers d’existence de chez eux formait des individus uniquement dans le but de les sauver. D’un autre côté, ils avaient généralement du mal à admettre qu’un Sénat dont ils n’avaient jamais entendu parler avait droit de vie ou de mort sur eux.

- Voilà… C’est à peu près tout… Enfin il y a beaucoup d’autres choses mais je n’ai pas le temps de tout vous expliquer, c’est pourquoi je vous propose de vous rendre au Sénat… Je pense que le Pot doit sembler être un immense festin pour tous les démons du multivers et qu’ils ne vont pas tarder à débarquer… Je pense qu’il faut faire vite… et je pense qu’à votre place j’aurais toutes les peines du monde à croire une jeune nana à l’air démolie qui viendrait baver un truc pareil sur mon paillasson, mais s’il vous plaît, prenez moi au sérieux… Ou on y passera tous…

Elle se garda bien de dire qu’il lui restait une petite brindille voyageuse cachée dans sa botte droite, et que si le Pot venait à tomber, elle ne resterait pas dans l’épave en train de sombrer. C’aurait été très malpoli.
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MessageSujet: Re: Un parmi d'autres   Un parmi d'autres EmptyJeu 10 Sep - 23:04

Post commun avec Gros Crayon, dont les parties jouissent de cette coloration splendide!


Au moment où Lilia avait croisé le chemin d'Edward, elle avait envoyé Miranda, qui lui traînait dans les pattes, alerter Adel Lidar, la première ministre officieuse du gouvernement du Bastion. La jeune stratège avait alors accouru jusqu'à la chambre dans laquelle avait été installée l'arrivante inconnue et avait écouté, en compagnie de son monarque, l'intégralité de son discours, qu'elle retint presque mot pour mot. Il fallut une vingtaine de minutes à l'être venu d'ailleurs pour tenir l'intégralité de son propos, lequel fut jugé parfaitement honnête par un télépathe dès lors que les deux dirigeants de l'humanité la laissèrent à ses soins. Lilia et Miranda, qui avaient préféré rester en retrait avec Layla, attendaient patiemment que leurs représentants reviennent à leur rencontre. Accroupie sur un muret, la plus jeune des sœurs Hubs mastiquait avec flegme un en-cas quelconque. Elle observa le visage plus tendu de son aînée et, après lui avoir doucement frappé le bras de son poing, s'adressa à elle.

-Oh, tu le sens bien ?

Lilia ne répondit pas immédiatement. La situation du nouveau monde était désastreuse, ce depuis son émergence. Peu à peu, l'humanité s'était adaptée à l'hostilité qui lui était réservée mais il n'en demeurait pas moins que les conditions de vie laissaient à désirer. Pourtant, grâce aux efforts conjugués des membres du gouvernement et des travailleurs assidus, la crise des premiers temps semblait être surmontée. Ils avaient tout perdu lorsque les mondes avaient été détruits, et l'intrusion soudaine de la métisse venait changer la donne. D'autres univers se dressaient, quelque part. Les joindre était faisable. Cette nouvelle pouvait marquer le début d'une nouvelle ère pour les survivants de l'Arène. Peut-être trouveraient-ils un foyer plus chaleureux, une terre d'accueil où prospérer de nouveau. Mais Lilia en doutait. Le peuple s'était endurci, avait subi pour ériger ces hauts murs. Il était fier de ce qu'il avait accompli et ne voudrait pas, par fierté, abandonner son édifice. Si seulement les choses étaient aussi simples. Plus que quiconque, Lilia savait ce que la découverte des univers dont avait parlé Kayoshin impliquait. Ils n'étaient plus seuls, et parmi ces autres, ces étranges, ils ne trouveraient pas que des amis.

-Lili ? insista Miranda.

-Hum. Non. Je le sens pas bien du tout. Mais il faut...ah !

L'archange s'était interrompue alors qu'Adel et son supérieur sortaient de la clinique. Aussitôt, la maître-savoir s'avança vers les trois filles.

-On se réunit. Venez, vous trois.

Elles acceptèrent sans broncher, curieuses de savoir ce qu'il en était, et suivirent docilement Edward qui les mena jusqu'à son bureau où étaient déjà réunis les personnalités les plus importantes du Bastion, prévenues par le même télépathe qui avait sondé l'esprit de Kuroa. Avant que quiconque ne puisse réciter le préambule, Lilia présenta les baguettes confiées par l'étrangère et les déposa sur le meuble trônant au centre de la pièce.

-Elles permettent d'aller dans son monde, expliqua-t-elle. On en a sept.

Sept d'entre eux à envoyer dans cet ailleurs, sans assurance quant à sa nature. Une petite délégation chargée de prendre contact avec les autorités locales, de présenter la situation de leur monde, de comprendre réellement ce qu'il se tramait. Lilia, en retrait, affichait une mine fermée qui ne lui ressemblait guère. Elle ne savait rien des intentions des autres et en avait assez de subir, depuis des années, les répercussions des actes de mégalomanes dont les ambitions exacerbées provoquaient des guerres. À mesure qu'Adel, visiblement à l'initiative, leur exposait la teneur des propos de Kuroa, un semblant de détermination apparut dans les yeux pâles de l'archange. Elle avait un pouvoir telle qu'elle pouvait protéger les siens. Jusqu'à lors, elle avait toujours trouvé un moyen de n'être que relativement efficace sans pleinement satisfaire les espoirs que l'on plaçait en elle. Mais aujourd'hui elle ne serait pas spectatrice. Elle était l'être le plus puissant de cet univers en danger, aussi irait-elle le représenter.

-J'y vais, annonça-t-elle à la surprise générale alors que la question de la composition du groupe venait d'être évoquée.

-Bon, bah moi aussi alors, surenchérit Miranda.

Nul n'avait eu le temps de réagir que déjà, l'adolescente imposait sa présence. Les termes définis entre Lilia et elle suite à la mort d'Angélyna étaient clairs. S'il y avait le moindre danger, que la situation était préoccupante, que le bien-être d'une d'entre elles était remis en cause, l'autre la suivrait. Où qu'elle aille, quoi qu'elle aille y faire, quelles qu'en soient les raisons. Restaient cinq places. Les regards se tournaient vers Edward.

A l'annonce de Miranda, Melody regarda l'adolescente, dubitative. Elle avait un étrange sentiment de déjà vu. Deux gamines sans la moindre expérience. Cette expédition commençait de manière étrangement familière. La militaire ne niait pas les capacités extraordinaires des deux jeunes filles, pourtant, la Luuwrienne aurait aimé un peu plus de « maturité ». Elle lança un regard à Kellue, qui était sans doute arrivée à la même conclusion. Malheureusement, au vu de la mine entendue d'Edward, il semblait évident que celui ci accepterait. Avec une certaine appréhension pour ce qu'elle s'apprêtait à faire, Melody s'avança de quelques pas.

-Je désire être présente, moi aussi. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, sire.

Les anciennes habitudes avaient la vie dure. Nombre de Valatiens appelaient encore Edward par son titre de noblesse. L'ancien roi approuva d'un signe de tête, puis déclara d'un ton formel et procédurier:

-Adel Lidar, Maitre savoir, votre présence ici n'est pas loin d'être indispensable, pourtant, j'aimerais que vous participiez à cet entretien. Je ne vois nul autre que vous qui puisse être qualifié pour cette mission.

Si Edward avait l'habitude de traiter l'adolescente avec une certaine familiarité, la considérant presque comme un membre de sa famille, il s'agissait ici d'une requête officielle. Avant qu'Adel n'ait eu le temps de répondre, deux hommes entrèrent dans le bureau bondé du gouverneur. Certains ne purent s'empêcher de frissonner en apercevant le civicide, dans la même pièce qu'eux. Bien qu'il ignore réellement dans quel camp ils se trouvaient réellement, Edward avait tenu à ce que les deux hommes soient présents. Le colosse se plaça en retrait au fond de la salle, un étrange sourire aux lèvres étant donné les circonstances, Darius Meffert à sa suite.


Adel approuva, la gorge serrée. Les circonstances étaient telles que soit elle, soit Edward aurait du faire partie des sept potentiels membres de ce groupe. Flattée de la confiance peu surprenante mais toutefois gratifiante que lui témoignait son supérieur, elle se retint de tout commentaire et dévisagea un à un les individus présents dans cette pièce. Certains politiciens débattaient pour savoir qui devrait en être. Encore quelques mois auparavant, ils auraient contesté le choix d'Edward, mais tous avaient aujourd'hui pleinement conscience du potentiel d'Adel. Son éventuelle instabilité émotionelle étant comblée par l'expérience et l'inflexibilité de Melody Jennsen, ils ne trouvaient plus rien à redire. Alors que les yeux de la jeune stratège croisaient ceux de Darius Maffert, celui-ci se mit à sourire et avança d'une démarche assurée vers le centre de la pièce, comme s'il avait attendu qu'on le consulte en silence pour intervenir. Avec lui, tout était matière à être mis en scène. Aucune exception. Ostensiblement ivre, le garçon au manteau pourpre vint s'asseoir lourdement sur le bureau et s'adressa à l'assemblée.

-En tant qu'individu provenant de deux mondes, je représente une majorité ! J'en serai donc, et il va sans dire...

Darius empoigna deux baguettes sans demander l'avis de qui que ce soit, parcourut la distance qui le séparait de Layla en une paire de secondes, et passa un bras autour des épaules de la plus jeune des archanges avant de l'embrasser sur la joue. Il lui colla presque l'une des deux baguettes dans la main avant de terminer se phrase.

-...que j'embarque ma petite protégée ! Ne reste donc qu'une place, hein ? On pourrait faire un tournoi pour désigner l'individu pouvant prétendre à cet honneur, ou encore...

S'ensuivit une longue remontrance de la part de l'une des conseillères, laquelle n'eut le moindre effet. Darius avait pris sa décision et personne ne le ferait changer d'avis, tête qu'il était. Dire que l'alcool n'avait rien à voir là-dedans. Miranda observait la scène, quelque peu amusée. Elle aimait bien Darius. Savoir qu'il serait à leurs côtés lors de ce voyage la détendait déjà, elle qui craignait que cette expédition se déroule dans une ambiance morose. En somme, trois adolescentes, une militaire frigide, un allumé imprévisible et Lilia. Eh bien, elle avait belle allure, leur délégation.

Une fois que la politicienne eut finit ses remontrances envers son ami, Edwig s'éclaircit la gorge, laissant retomber le silence. Il remarqua avec un certain plaisir que tous le dévisageaient avec le plus grand des sérieux.

-Il va de soi que si un tournoi devait être organisé, un seul de nous survivrait, et j'ai bien peur qu'il ne s'agisse de moi déclara t-il avec un sérieux mortel.

Edwig lança un petit regard à Darius. De toutes les personnes présentes dans la salle, l'Héritier était convaincu que seul l'Eldarak serait en mesure d'apprécier ce trait d'humour. Ivre comme il était, le colosse n'en avait cure. À eux deux, ils venaient de donner au tavernier un mois de salaire en une après midi. Il reprit :

-En vue de mes nombreuses capacités martiales, et du calme qui régnera en mon absence, je propose mes compétences pour cette expédition.

Edward sembla hésiter quelques instants. L'attitude de ces deux hommes ne lui plaisait guère, mais il fallait admettre qu'ils avaient toujours menés leurs missions à bien. Avec toute la politesse qu'il était capable de déployer en cet instant, il déclara :

-Vos requêtes sont acceptées.

Layla, quant à elle, se retint d'éclater de rire. Darius osait ce que personne ne se permettait de faire, même pas elle. Sans doute étais-ce pour cela qu'elle l'appréciait autant. Une fois que le jeune homme eut subi les remontrances de la conseillère avec un certain panache, la jeune archange chuchota :

-Vous avez dévalisé les réserves d'alcool de Porol ? Vous auriez pu me prévenir !


-T'es trop jeune pour ce genre de choses ! affirma Darius, tout sourire.

Le volume sonore auquel il s'était exprimé jura considérablement avec les murmures de son amie, mais nul ne sembla s'en préoccuper, occupés qu'ils étaient à dévisager Edward. À quoi diable pensait-il ? La présence de Miranda était plus que discutable, mais elle s'avérait tout du moins fidèle à leur cause, sans compter qu'elle était le point d'accroche de sa sœur. Sur le plan humain, la remarque avait de quoi faire tiquer, mais en gardant la mainmise sur Miranda, les conseillers s'assuraient de pouvoir se servir de Lilia. Alors soit, qu'on la laisse y aller. Mais ce duo d'anciens criminels et cette adolescente rebelle ? Autant envoyer des citoyens choisis au hasard. Adel fit taire les doutes en faisant signe à ses camarades de venir la rejoindre afin qu'elle distribue les baguettes restantes. Si beaucoup s'indignaient encore, elle comprenait en revanche la décision d'Edward et ne pouvait que l'approuver. S'il fallait représenter le monde face à ce fameux sénat et cette académie, la délégation avait à la fois besoin de diplomates et d'éléments plus musclés. Comme en tout, la prudence était de mise. Adel laissa à ses six compagnons quelques instants pour préparer les quelques affaires qu'ils désiraient emporter et les retrouva dans ce même bureau, déserté de tous sauf Edward. Ils étaient sept à faire face au jeune roi du Nord. L'adolescente le dévisagea comme si elle n'allait plus jamais le revoir, hésita longuement à l'étreindre, et se retourna finalement vers Lilia sans le faire.

-Vous vous sentez opérationnelle, Lilia?

L'intéressé acquiesça sans que les autres ne s'offusquent que cette question ne s’applique à l’ensemble des membres du groupe, conscients qu'en cas de confit réel, Lilia à elle seule ferait la différence.

-Quand tu voudras, répondit simplement la jeune femme.

Adel inspira longuement. Ils allaient se téléporter dans un monde inconnu. Il y avait de quoi appréhender le voyage, d'autant que l'hypothèse du guet-apens n'était pas à exclure en dépit des dires de leur télépathe. Darius coupa court à l'hésitation en craquant sa baguette. Adel envoya un ultime regard à son roi et fit de même. Miranda et Lilia, elles, se prirent la main avant de se téléporter, affin d'être sûres de se retrouver au même endroit. Rien n'aurait été pire à leurs yeux que d'être séparées pour une raison où une autre. En un instant, les sept représentants du Pot disparurent de leur univers d'origine.
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